Riviera Détente

Réf. Nécessaire #2 – Jean-François Champollion

Cette conférence fût un échec complet! Je me suis ridiculisé. J’ai travaillé par erreur sur la traduction de textes en italien, langue déjà parfaitement maîtrisée par l’ensemble du corps universitaire.

Clément Andreoli

Clément Andreoli s’intéresse cette fois-ci à Jean-François Champollion, l’homme qui faisait croire au monde qu’il déchiffrait les hiéroglyphes (on n’en sait rien, on sait pas les lire).

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RÉF. NÉCESSAIRE ÉPISODE 2 – Champollion
Retranscription

* Prégénérique Riviera Ferraille *
* Générique Réf Nécessaire (Derek & Brandon Fiechter – Sir Galahad *

Bienvenue dans le… * soupir * Il va vraiment pas ce générique. Bienvenue dans le deuxième épisode de Réf. Nécessaire, two Ref, two Nécessaire ! Je m’appelle Clément Andreoli et ensemble nous allons parler d’Histoire avec un grand H et des petites histoires avec un petit h qui font que le H de la grande Histoire soit lui-même… grand…

Dans ce second numéro nous allons parler de Jean-François Champollion dit Champollion le jeune. Né à Figeac en 1790, il fut le premier à déchiffrer les hiéroglyphes, et devint par l’occasion le père de l’égyptologie, une science qui consiste à étudier notamment… * bruits de pages * euh, euh l’Égypte, ainsi euh… que… * bruits de pages * Non. L’Égypte.
Grâce à une relation privilégiée avec mon facteur et un achat massif de calendriers La Poste, j’ai été autorisé à consulter la correspondance entre Jean-François Champollion et son frère aîné Jacques-Joseph.
En voici quelques extraits qui vont je l’espère, vous faire voyager au coeur de l’archéologie du 19ème siècle !
* bruits de diligence tirée par un cheval sur des pavés *

12 septembre 1807.
Jacques-Joseph, mon cher frère,
Je t’écris depuis la diligence qui vient de quitter notre chère Grenoble où je t’ai rejoint à l’âge de 11 ans pour que tu m’y confies une bonne éducation. Je suis en route vers Paris pour y faire mes études, et étudier l’Égypte qui t’as toujours tant fasciné.

Tu dois sans doute trouver cette lettre bizarre mais je suis obligé de te redire ces choses évidentes pour nous deux afin de situer mon personnage. Enfin bref, comme je te disais, je m’appelle
* chante sur l’air d’une chanson de la Belle et la Bête de Disney*
Jean-François Champollion
J’me présente en chanson
Je suis parti pour faire
de ma vie un long scriiiiipt
Car je vais à Paris pour étudier l’Egypte
C’est comme aller au Caire
Pour apprendre le Français.
Je suis impatient de pouvoir encore plus étudier et te rendre encore plus fier de moi.
Je t’écrirai tous les jours pour te donner de mes nouvelles, et j’espère que tu en feras autant.
Je te promets que rien, RIEN ne me distraira de mes études à Sup’ D’Égypte.
Je t’embrasse.
Jean-François.
* petite musique *

Grenoble, le 19 septembre 1807.
Jean-François, mon petit frère,
J’espère que tu es bien arrivé à Paris. Sache que toute la famille est derrière toi: Jean-Jacques, Joseph-François, François-Jean, Jacques-Jacques, Paul, Ken, Ryu, Yoshimitsu, Pedro, Lola, et Carmen Arranz.
Consacre-toi tout entier à l’Égypte et à tes études, ça me coûte un pognon pharaonique hahahahahaha. Non en vrai déconne pas.
Signé Jacques-Joseph.
* bruits citadins du XIXème siècle *

Paris, le 30 septembre 1807.
Cher Jacques-Joseph,
Je me suis installé dans une petite chambre de bonne du quartier latin. Oh c’est minuscule! Il fait froid et c’est au 8ème étage, sans ascenseur évidemment puisque… ça n’existe pas. Entre les frais d’agence et la caution je n’ai déjà plus un sou.
J’ai rencontré un groupe d’étudiants qui m’a emmené sortir pour mes 17 ans. Je me suis autorisé un petit écart dans mes études pour l’occasion. Et quelle soirée !
Je me suis fait des tas de copains et de copines, on rigole bien, et j’ai même Champollié une Parisienne, si tu vois ce que je veux dire… Mais maintenant terminé ! Je me remets au travail !
Si tu en as les moyens, envoie-moi un peu d’argent.
J’espère que tu vas bien.
Jean-F.

Paris, le 27 décembre 1807.
Cher Jack-Jo,
Je suis désolé de ne pas t’avoir écrit avant, mais j’ai un emploi du temps de malade.
Si tu ne me crois pas, voici ma semaine type :
* musique de 2 unlimited *
Le lundi, à huit heures et quart, je pars pour le Collège de France, où j’arrive à neuf heures, et tu sais qu’il y a beaucoup de chemin : c’est place Cambrai près du Panthéon.
À neuf heures, je suis le cours de persan de M. de Sacy, jusqu’à dix.
En sortant du cours de persan, comme celui d’hébreu, de syriaque et de chaldéen se fait à midi, je vais de suite… aaauuuu Buffalo Grill pour déjeuner tôt. La serveuse me demande table pour un ? Ouaiiiis… Pour l’instant! J’ai même pas terminé ma salade d’accueil que je suis déjà entouré de gonzeeeeesses, à enchaîner les verres de Calamity Jaaaaane.
À midi, cours d’hébreu de M. Audran. Il m’appelle le « patriarche de la classe », parce que je suis le plus fort.
En sortant de ce cours, à une heure, je traverse tout Paris, et je vais au Piz-za Paï enchaîner les verres de Paï on the beach avec les serveuses parce que j’ai sympathisé avec elles à force de mettre l’ambiaaaance. Est-ce que je rentre faire la sieste seul ? Ouaiiis, mais on n’est que lundi! Aaah!
Le mardi je vais au cours de M. de Sacy à une heure à l’École spéciale, ensuite je paye ma gueule de bois tranquille à la maison.
Mercredi, Collège de France à neuf heures. Dix heures je monte chez M. Audran. Midi, je vais à son cours. Une heure, je vais à l’École spéciale pour deux heures le cours de M. Langlès; et le soir, à cinq heures je suis celui de Dom Raphaël, qui nous fait traduire les fables de La Fontaine en arabe.
Ensuite, direction Hippopotamus avec les meufs du cours, et là c’est Hippo Colada sur Hippo Colada jusqu’à ce qu’on nous foute dehors à la fermeture. Qu’est-ce qu’on fait après ? Pas la moindre idée j’en ai jamais eu aucun souvenir.
Jeudi, une heure, cours de M. de Sacy.
18h, courtepaille avec mes gows, on enchaîne les cocktails rhum et multifruit granini jusqu’au coma éthylique.
Vendredi je vais comme le lundi au Collège de France, et chez M. Audran.
Vendredi soir c’est le soir de la mooouuuule, donc direction Léon de Bruxelles où on enchaîne la sélection entière de bières belges.
Le samedi, je vomis à 11h, Langlès à deux heures, je re-vomis à quatre heures, et je rentre.
Je voulais aussi suivre le cours de turc chez M. Jaubert qui est excellent ; mais comme cela me fatiguait trop de courir tant, j’ai remis cette fatigue à l’année prochaine.
* petite musique *

Grenoble, le 11 janvier 1808.
Jean-François,
Alors déjà bonne année! Bonne santé! C’est important la santé… C’EST À ÇA QUE JE TE PAYES? Tu rigoles ?
Je t’envoie faire des études et tu te perds dans l’alcool et les filles ? Je suis très déçu. Ta soeur, Yoshimitsu, parle déjà un grec ancien parfait et toi ? Rien.
Je ne t’enverrai plus d’argent avant que tu m’aies prouvé l’existence de ton travail.
Signé Jacques-Joseph.

Paris, le 12 octobre 1808.
Mon cher frère,
Ne t’inquiète pas pour moi, je pense avoir déchiffré les hiéroglyphes.
C’est finalement beaucoup plus simple que ce que je pensais, j’ai traduit ça à l’aise et je vais bientôt le présenter devant l’ensemble de l’université.
Je t’envoie d’ailleurs un texte traduit par mes soins: qu’en penses-tu ?
Signé Jazzy Jeff.

Paris, le 13 octobre 1808.
C’est mieux avec la pièce joooiiiinte ! Haha.
C’est encore moi, j’ai oublié de t’envoyer le texte mais cette fois, le voici.
Signé Jazz Jazzy Jeff.

Grenoble, le 19 octobre 1808.
Cher Jean-François,
Je t’en supplie arrête de te donner des surnoms ridicules. J’ai bien reçu ta lettre du 12 octobre mais le texte n’était pas joint, as-tu oublié de me l’envoyer ?
Signé Jacques-Joseph.
Grenoble, le 20 octobre 1808.
Jean-François,
J’ai finalement reçu ton texte, il est arrivé dans ton courrier du 13 octobre aujourd’hui, j’étudie ça et te donne des nouvelles vite.

Paris, le 26 octobre 1808,
Cher Jacques-Joseph,
Je viens de recevoir ton courrier du 19 octobre. Alors en fait je t’ai transmis le texte dans une enveloppe qui est partie le lendemain, tu ne l’as pas reçue ?
Signé Young Champo

Paris, le 27 octobre 1808.
Jacques-Joseph,
Ta lettre du 20 octobre où tu me dis que tu as reçu mon texte est finalement bien arrivée, nos courriers ont dû se croiser, tout va bien alors, j’attends de tes nouvelles.
Signé Jean-François.

Grenoble, le 3 novembre 1808.
Jean-François,
Pour répondre à ton courrier du 26 octobre, si, si, j’ai bien reçu ton texte, comme je te le disais dans mon courrier du 20 octobre, je l’étudie et je te tiens au courant.
Signé Jacques-Joseph.

Grenoble, le 4 novembre 1808.
Jean-François,
Oui, voilà, ça a dû se croiser.
Signé Jacques-Joseph.

Paris, le 10 novembre 1808.
Cher Jacques-Joseph,
Si tu as reçu le texte le 20 octobre pourquoi tu m’as pas prévenu avant ? J’ai passé 400 balles de timbres à te demander si tu l’avais reçu. Tu crois que j’ai que ça à faire ?
Signé Lil’ Jeff

Paris, le 15 novembre 1808.
Cher Jacques-Joseph,
J’ai donné ma conférence à l’université.
* extrait de la conférence *
“Bien, merci à tous d’être venus. Alors comme vous le savez, j’ai réussi à déchiffrer les hiéroglyphes grâce à ce texte que j’ai trouvé.
Alors c’est finalement très simple si on a comme moi des notions en langues mortes.
Donc voici l’extrait, avant de vous le lire, on peut déjà faire un constat: les hiéroglyphes sont dans un alphabet très proche du nôtre, et avec un très court temps d’adaptation, il est tout à fait possible de le lire naturellement.
Par exemple, voici ce que je lis ici : Il bagno è stato recentemente lasciato in uno stato indescrivibile. * foule manifestant sa contrariété *
S’il-vous-plaît, s’il-vous-plaît…”

Cette conférence fût un échec complet! Je me suis ridiculisé. J’ai travaillé par erreur sur la traduction de textes en italien, langue déjà parfaitement maîtrisée par l’ensemble du corps universitaire.
Comment j’ai pu confondre ? En même temps, ça explique aussi pourquoi aucun des textes que j’ai étudiés jusque là ne parlent ni de pharaons, ni de pyramides, ni même d’Égypte en général.
Mais en même temps pourquoi tu m’as laissé me planter ? Je t’ai envoyé mes traductions il y a plus d’un mois et tu m’as laissé faire. Tu m’as laissé me ridiculiser devant toute la communauté.
Je te hais et je te pardonnerai jamais!
Signé, Jeff.

Grenoble, le 16 novembre 1808.
Jean-François,
Ne présente SURTOUT PAS tes travaux à l’université. Ce ne sont pas des hiéroglyphes mais de l’ITALIEN. * soupir * Abruti.

Grenoble, le 4 mars 1821.
Voilà bientôt 13 ans que j’ai quitté Paris. Je travaille sans relâche sur la traduction des hiéroglyphes. Je parle couramment le copte, l’égyptien, l’hébreu, le syriaque, le chaldéen et l’italien, mais je n’arrive toujours pas à déchiffrer les hiéroglyphes.
J’en suis venu à me demander pourquoi ils remplaçaient les lettres par des petits dessins; quitte à dessiner autant y aller franchement et faire de la BD. Ce serait plus facile à comprendre…
Et puis hier, lors de notre traditionnelle partie de Pictionnary du dimanche, j’ai eu une révélation. Et si chaque hiéroglyphe n’était pas une lettre ?
En m’aidant d’un texte en grec ancien, j’ai pu faire correspondre quelques lettres: je sais qu’un aigle est un a, une jambe est un b, mais je crois comprendre que certains d’entre eux véhiculent des idées, ou des concepts.
Pourquoi pas ? Si pour ma conne de nièce, un oiseau, un rond et une espèce de chiure un peu plus bas veut dire “Le corbeau et le renard”, on n’a peut-être pas perdu au Pictionnary pour rien, j’en ai p’têt’ tiré une nouvelle idée.

Grenoble, le 11 mars 1821.
J’ai beau travailler sur la pierre de Rosette, j’avance pas. Le grec ancien, ok, j’y arrive. L’égyptien démotique, la base, tranquille, tout le monde sait faire. Mais les hiéroglyphes, rien à faire.
Des lettres se ressemblent, mais pas assez, apparemment les trois textes disent la même chose, mais on sait même pas y a combien de lettres dans un mot ou quoi. Je crois que je vais abandonner.
* orchestre *
À moins que ! Si je les regroupe comme ça ! Clé-o-patra ça voudrait dire Cléopâtre. Pto-lme-s ça voudrait dire Ptolémée, ça y est j’ai compris, Ramsès, Touthmosis, les noms des pharaons, je m’appelle Champollion…
* chante sur l’air d’une chanson de la Belle et la Bête de Disney*
j’ai compris leur jargon, quand on y pense c’est tout con. * rire *
* musique égyptienne *

Le Caire, le 2 juin 1829.
Mon cher frère, je vis un rêve. Non seulement j’ai déchiffré les hiéroglyphes mais en plus je suis en Égypte pour essayer de tout traduire.
Je suis parti avec mon ami Ippolito Rosellini, et on traduit tout ce qu’on trouve, et ça marche.
Deux ibis et un soleil ? Stationnement interdit.
Bonhomme, faucon, faucon, pied ? Sortie de secours.
Chat, carré, sphinx, blé, blé, serpent ? Visiteurs munis d’un billet seulement.
Notre guide, Juan, un ancien navigateur à la retraite, est formidable. Il connaît les moindres recoins de la nécropole de Gizeh.
Nous sommes allés aux pyramides, c’est incroyable, elles sont gigantesques. Il est bien sûr impossible d’aller à l’intérieur mais Juan connaît un passage secret.
* dialogue * Juaaaaaaaan ! Ben où tu vas ? Ben oui mais attends-nous, on est en chaussures de ville…
Et tu ne me croiras jamais mais nous sommes tombés sur une momie ! Elle s’est levée et a marmonné quelque chose. * imite une momie qui parle *
Juan et Ippolito ont immédiatement fui, terrorisés, mais en me concentrant j’ai pu comprendre ce qu’elle marmonnait : “Enlevez vos chaussures vous êtes en train de me mettre du sable partout, je vais pas passer l’éternité à balayer”.
Nous avons également étudié le Sphinx. J’ai réussi à retranscrire l’énigme qui est inscrite à sa base : “Quel être, pourvu d’une seule voix, a d’abord quatre jambes, puis deux jambes, et finalement trois jambes?” Mmh…
Après une longue réflexion nous nous sommes tous les trois mis d’accord sur une araignée qui parle. * rire *
Nous sommes actuellement en croisière sur le Nil: nous voguons tranquillement vers le Sud, à la recherche d’une autre nécropole pour confronter mon système de traduction aux hiéroglyphes sur place. Juan nous a conseillé le dîner spectacle, c’est un magicien qui s’appelle “Danilaris” qui disparaît dans des sarcophages et réapparaît au stand de souvenirs c’est très très impressionnant, j’ai dû claquer pour 800 livres égyptiennes de T-shirts, je suis habillé pour l’année.
Je vis les plus beaux jours de ma vie, je me sens ici plus chez moi que les Égyptiens que je rencontre. On peut prendre tous leurs souvenirs ils s’en fichent, à partir du moment où je leur dis que les hiéroglyphes inscrits dessus veulent dire “propriété de Champollion”. Ils savent pas les mecs.
D’ailleurs attends-toi à une livraison un peu imposante, j’ai réussi à les convaincre de me poster un obélisque entier pour mettre à Paris. Ha! Qu’est-ce que je me plais ici !
* chante sur l’air d’une chanson de la Belle et la Bête de Disney*
Je suis ici chez moi
L’Egypte est tout pour moi
Et je suis aussi vraiment tout pour l’Egypte
J’écris les hiéroglyphes comme si j’étais un scribe
Je suis le chaaaaam-pioooon de laaaaa traductiooooon
Car je suiiiiis Champolliooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooooon
* silence *
Jean-François Champollion est mort quelques mois après son retour d’une maladie contractée en Égypte.
* musique : Simple Minds – Don’t you *
Aujourd’hui, Juan est conservateur de la galerie égyptienne du musée du Louvre.
Ippolito est directeur du Pizza Paï de Sharm-el-Sheik.
Jacques-Joseph a finalement reçu le courrier du 20 novembre 1808.
Jean-François Champollion est enterré au cimetière du Père Lachaise. Sa pierre tombale est un obélisque sur lequel il est écrit : “Qui riposa Giovanni Francesco Campoleone”
Merci d’avoir écouté Réf nécessaire.
Réf nécessaire est disponible sur soundcloud, itunes, et sur réservation en médiathèque.
Merci à wikipedia et à Henry Michel, Réf Nécessaire est un podcast Riviera Ferraille.
Je m’appelle Clément Andreoli, à bientôt pour le prochain épisode!
* musique dramatique *
DANS LE PROCHAIN ÉPISODE DE RÉF. NÉCESSAIRE…
Genghis Khan.